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par  Stéphane Turmel

 

Il y a de ces appellations qui « ont la couenne dure ». Malgré leur inexactitude, leur illogisme ou leur déformation, on continue de les utiliser. Un peu comme si elles étaient trop tentantes et qu’une fois le pli langagier pris, on ne pouvait s’en défaire. L’usage a donc parfois le dessus sur la raison… mais jamais sans raisons. C’est le cas avec la fameuse taxe de bienvenue. Éclaircissons la drôle d’affaire.

 

Une taxe bien réelle

Après 1976, au Québec, de nouveaux frais pouvaient être imposés aux acquéreurs d’une propriété par la municipalité ou la MRC dans laquelle ils avaient élu domicile (maison) ou avaient acheté un bien immobilier (terrain). Ces frais portaient le nom technique de droits sur les mutations immobilières. Les municipalités ont d’abord eu le choix de prélever ou non ces droits; depuis 1992, c’est obligatoire.

Les droits en question sont en réalité une taxe de vente sur les immeubles; les locataires n’y sont pas assujetties. Cette taxe (foncière) est calculée d’après la valeur du transfert de propriété. À l’extérieur de Montréal, les taux de taxation sont les suivants :

  • $0 – $50,000 : 5%
  • $50,000 – $250,000: 0%
  • $250,000+ 5%

 

Jusque-là, ce n’est pas très comique, j’en conviens.

 

Politique et hasard

Mais voici la petite histoire qui s’y rattache. Début 1976, le PLQ est encore au pouvoir. Un ministre libéral examine l’idée (raisonnable) de créer un nouveau levier de taxation pour les municipalités. C’est que celles-ci allaient perdre des revenus suite à la décision du gouvernement provincial de cesser de leur distribuer une partie des sommes provenant de la TVQ. Ce ministre s’appelait Jean Bienvenue.

Fin 1976, le PQ au pouvoir décide d’aller dans cette voie. Son ministre des Affaires municipales, Guy Tardif, entérine le projet et fait entrer en vigueur la nouvelle taxe (droits de mutation). Calcul politique — ce n’est jamais sexy d’annoncer une taxe —, souci de rendre à César ce qui appartient à César ou raccourci médiatique, le fait est que l’appellation « taxe à Bienvenue » se met à circuler. Comme, par exemple, on appellerait « taxe à Turmel » le nouveau frais de courtage que j’aurais instauré.

 

Le jeu de sens

Les gens ont continué d’associer le nom de l’ancien ministre libéral à cette taxe qu’ils recevaient avec mécontentement dès leur arrivée dans leur nouvelle maison. De plus, en s’étant modifiée légèrement, l’appellation devenait polysémique (« taxe de Bienvenue »).

De surcroît, les municipalités emboîtèrent en quelque sorte le pas. En effet, elles choisirent le discutable jeu de sens taxe de bienvenue  (comme dans « soyez la bienvenue ») pour nommer officiellement leur taxation liée à l’accueil fait aux nouveaux propriétaires; d’autant que du côté anglophone, Welcome Tax était préférée au terme technique Transfert Duties.

Pensait-on réellement créer ainsi une petite distance avec le ministre Bienvenue ? Quoi qu’il en soit, et aussi ironique soit-elle, l’appellation taxe de bienvenue s’est répandue partout au Québec. Elle est maintenant entrée dans les mœurs. Et Jean Bienvenue en a entendu parler toute sa vie…

 


 

 

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